Au nom d’Anna

Voici la lettre que Margo et Pascal, les parents d’Anna ont envoyée à l’attention de Mr Baietto, élu aux transports du Conseil Général de l’Isère.

« Le problème du transport – une question de fond….quelques interrogations autour du transport des enfants handicapés »

La petite Anna ne parle pas. Seul son regard indique ses émotions : ses joies, ses inquiétudes, ses peurs. Tous les matins elle quitte la maison pour se rendre à l’établissement d’accueil « Ninon Vallin » à Grenoble. Au début elle prenait un taxi. Elle connaissait bien le chauffeur et il faisait partie de son entourage. Anna était dans un environnement rassurant grâce aux liens qui s’étaient créés entre eux.
Cela fait maintenant deux ans qu’un grand véhicule vert vient la chercher à la maison comme les autres enfants de sa tournée. Depuis le changement de prestataire, le voyage dure parfois deux heures A/R par jour. Ces deux heures quotidiennes entre la maison et l’IMP font partie de la journée d’Anna et il est essentiel de considérer le transport comme un moment privilégié.

Lorsqu’ à l’initiative de « Ninon Vallin » le transport des enfants a été confié à l’APF nous avons demandé d’assurer la stabilité du chauffeur pour que les enfants, comme les parents, aient un repère. Or, en deux ans, pas moins de six chauffeurs se sont succédés. Il y a sûrement une multitude de raisons pertinentes pour justifier les décisions des nombreux changements prises par l’APF mais nous sommes en droit de nous demander si l’équilibre, le bien-être de nos enfants et l’avis des parents sera un jour considéré.
La personne qui emmène nos enfants est plus qu’un chauffeur. C’est aussi un accompagnateur, une personne qui doit avoir des qualifications et compétences particulières et adaptées. Nous ne conduisons pas des enfants comme l’on conduit des personnes adultes autonomes ou de la marchandise, qui plus est lorsque ce sont des enfants handicapés et fragiles.
Le service presté est avant tout un service aux enfants qui engage la responsabilité de l’IMP face aux familles.
Nous souhaitons qu’il y ait plus d’exigences vis-à-vis des prestataires de service et que le cahier des charges soit élaboré en prenant en compte les besoins des enfants.

Ce qui nous touche beaucoup dans cette histoire de transport qui est, nous le savons bien, une histoire parmi d’autres, c’est le manque de respect et de considération pour l’enfant handicapé. Le chauffeur qui vient de partir afin d’assurer par la suite l’accompagnement des enfants pour « progresser dans sa carrière professionnelle »vient d’être remplacé. Voici ce que nous a donné comme explication le responsable de la tournée APF. Nous en avons donc conclu que l’enfant handicapé n’est même pas considéré comme un enfant et que certains chauffeurs sont trop qualifiés pour accomplir cette mission si peu gratifiante.

Aujourd’hui nous sommes révoltés mais aussi très tristes. Nous prenons de plus en plus conscience que nous sommes encore bien loin des grandes idées sur l’intégration et le respect des personnes handicapées. La petite Anna ne parle pas. Seul son regard indique ses émotions. Demain matin elle va affronter l’inconnu, monter dans le grand véhicule vert.
Encore une fois nous lirons dans ses yeux la peur et l’incertitude et nous ne pourrons pas la rassurer.